Les droits des détenus
- privationlibertese
- 15 mars 2021
- 7 min de lecture

LES DROITS DES DÉTENUS
BORGALLI Fiona
Master 2 Justice, Procès et Procédures – Parcours pratique des droits fondamentaux
Le statut de « prisonnier » ne peut primer sur le respect des droits et libertés inhérents à sa nature humaine.
Nier l’existence de droits au sein des prisons reviendrait à déshumaniser les personnes qui s’y trouvent. De ce fait, prétendre vivre au sein d’un Etat de droit dans lequel les établissements pénitentiaires ont également pour mission de contribuer à la réinsertion sociale et professionnelle des détenus, serait un propos illusoire et mensonger.
En ce sens, de nombreux textes nationaux, européens et internationaux consacrent les droits des prisonniers. Pour exemple, la Cour européenne des droits de l’Homme, vigie des droits de l’Homme sur le continent européen, veille au respect de leurs droits au regard de la Convention de 1950, condamnant de facto, en tant qu’Etat partie, la France lors de manquements à ses obligations.
Sur le territoire national, nombreuses sont les dispositions consacrant les droits et devoirs des détenus. Inscrits dans les règlements intérieurs des établissements pénitentiaires français, les droits des prisonniers ne font pas l’objet d’une application uniforme. Ces droits sont gradués, in concreto, en fonction de l’objectif de la détention et du détenu-lui même.
Quels sont ces droits consacrés aux détenus au sein des établissements pénitentiaires ?
Parfois ignorés par les proches et le détenu lui-même, voici un énoncé des droits, à titre indicatif et non exhaustif, dont chacun peut se prévaloir au sein du système pénitentiaire français.

DROITS FAMILIAUX
Depuis 1974, les détenus ont le droit de se marier librement.
En principe , le mariage sera célébré au sein de l’établissement pénitentiaire sur réquisition du Procureur de la République (Art.D424 Code de Procédure pénale(ci-après dénommé « CPP)).
L’officier d’état civil interviendra au sein de la prison sur autorisation du Procureur de la république (Art 75 Code Civil (ci-après dénommé « CC »)) , le futur époux et les témoins devront formuler une demande de permis de visite (Art D.403 à D.406 CC).
Cependant, le détenu pourra, sous certaines conditions, bénéficier d’une permission de sortie attribuée par le juge de l’application des peines afin que le mariage soit célébré à l’extérieur de l’établissement pénitentiaire (Art D424 CPP).
A l’intérieur ou à l’extérieur de la prison, les règles de validité du mariage sont identiques à celles s’appliquant au monde extérieur (Art 63 et suivants CC, Art 143 et suivants CC).
Le détenu a également le droit de se PACSER (Art 37 de la Loi pénitentiaire n°2009-1436 du 24 novembre 2009), et ce, notamment entre codétenus, et selon les règles identiques aux personnes extérieures (Art 515-3 CC).
S’agissant de l’autorité parentale, le détenu conserve ce droit et par conséquent continue à prendre des décisions en restant également informé de la vie quotidienne de l’enfant. Cependant, ce dernier ne doit pas avoir fait l’objet d’un retrait de ce droit pour causes de violences (sur l’enfant, avec l’enfant, sur le deuxième parent) ou de désintérêts de sa part (Art 378 à 381 CC). Le détenu conserve également son droit de reconnaître l’enfant (Art 311 à 316 CC).
La femme détenue bénéficie du droit de garder son enfant avec elle, jusqu’à ce que ce dernier ait atteint l’âge de 18 mois. (Articles 378 et 378-1 CC, note DAP relative à l’exercice de l’autorité parentale par les personnes placées sous main de justice, 17 novembre 2000).
Il ne s’agit pas d’un droit : en cas de décès ou maladie d’un proche du détenu, ce dernier doit être immédiatement informé (Art 424-1 CPP) et pourra potentiellement bénéficier d’une permission de sortie (Art D425 CPP) de trois jours maximum, au sens des dispositions de l’Art 723-3 selon les conditions prévues à l’Art D144. CPP. A défaut de permission de sortie, l’intéressé pourra demander une permission de sortie exceptionnelle. 723-6 et Art D147 CPP).

DROITS CIVIQUES ET SOCIAUX
En principe, les détenus conservent leurs droits civiques et sociaux (Art 132-21 Code Pénal) sauf s’ils ont fait l’objet d’une peine d’incapacité (Art 131-26 Code pénal).
Depuis la réforme du Code pénal du 1er mars 1994, les détenus jouissent du droit de vote. Le vote peut se réaliser soit par permission de sortie délivrée sous conditions (depuis novembre 2007), soit par procuration ou par correspondance (Art 87 Loi de mars 2019 de programmation 2018-2022 pour la réforme de la justice). Le Directeur de la prison a une obligation d’information à fournir à cet égard.
S’agissant de l’inscription électorale et depuis la loi pénitentiaire de 2009, le détenu a la possibilité de se domicilier à l’établissement pénitentiaire.
Le détenu doit continuer d’être informé sur ses droits sociaux. Cette mission revient au Conseiller d’insertion et de probation.
Prestations sociales, Assurances maladies (Art D366 CPP) et toute demande d’hébergement ou de logement adapté aux sortants de prison sont conservées (Circulaire interministérielle du 13 mai 2016 n° DGCS/DIHAL/DAP/2016/151).
DROITS AU TRAVAIL
En prison, chaque détenu a le droit de travailler (Art 15 du règlement intérieur type des établissements pénitentiaires annexé à l’article R.57-6-18 du Code de procédure pénale). En fonction de ses qualifications, de ses capacités, de sa situation et de sa perspective de réinsertion, il sera affecté à un service au sein de l’établissement pénitentiaire (Art D432-3 CPP). Le détenu a également la possibilité de travailler pour son propre compte et pour le compte d’associations (Art 718 CPP ; Art D432-3 CPP).
Ce droit au travail n’est pas obligatoire (Loi du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire) mais permet aux prisonniers de percevoir une certaine rémunération horaire indexée sur le SMIC variant selon l’emploi (Art 717-3, Art D432-1 CPP ; Art D433 CPP, Art D433-4).
La période journalière et hebdomadaire de travail ne peut excéder les horaires pratiquées dans cette activité à l’extérieur (Art 15 du règlement intérieur type des établissements pénitentiaires annexé à l’article R.57-6-18 du Code de procédure pénale).
A savoir : Il n’y pas de droit du travail au sein de la prison : pas d’indemnités, d’arrêts maladies, d’arrêts pour accidents du travail, de droit au chômage, ni les règles applicables au licenciement…, il n’y a pas de contrat de travail (Art 717-3 CPP), ni de salaire minimum.
En revanche, ils bénéficient du droit à la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles ( Art D433-9 CPP, Art L412-8 al. 5 Code de sécurité sociale).
DROITS À LA SANTÉ
Dès son entrée en prison le détenu bénéficie du droit au suivi médical et aux soins médicaux (Loi 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale).
Ainsi, les établissements pénitentiaires bénéficient d’une unité sanitaire dépendant du service hospitalier de proximité (Art 46 loi pénitentiaire de 2009).
Depuis la circulaire du 30 octobre 2012 relative à la publication du Guide méthodologique relatif à la prise en charge sanitaire des personnels placées sous main de justice, des Unités spécialisées sont mises en place selon les soins à prodiguer et également les soins nécessitant une hospitalisation courte, à temps partiel ou à temps complet.
Concernant les transmissions du VIH ou des hépatites, des structures de prévention sont mises en œuvre mais également des dépistages peuvent être réalisés par les soignants de l’Unité sanitaire (Art D384-3 CPP).
DROITS À LA FORMATION
Tous les détenus ont le droit de suivre une formation professionnelle (Art D438 CPP) organisée par les Conseils régionaux. Les plans de formations sont établis par la Direction de l’établissement et le Conseil régional.
Le détenu doit formuler une demande auprès du Service pénitentiaire d’insertion et de probation par le biais de son conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation. Certaines formations peuvent être rémunérées.
À titre expérimental et depuis le 1er janvier 2020, une formation d’apprentissage pour les détenus âgés d’au moins 29 ans a été mise en place.
Les détenus bénéficient également du droit à l’enseignement et à toute étude compatible avec leur situation pénale et les conditions de détention (Art D435 CPP).
DROIT DE MAINTENIR DES LIENS FAMILIAUX
Le détenu bénéficie du droit à la liberté de correspondance (Art 40 Loi pénitentiaire 24 novembre 2009, Art R57-8-16 CPP). Ils peuvent écrire, envoyer et recevoir des courriers sans limitation.
A l’extérieur de l’établissement, les détenus ont également le droit de téléphoner (Art R57-8-21 CPP). Des cabines téléphoniques sont ainsi prévues. Les téléphones individuels sont interdits.
Le droit de visite est subordonné à une demande de visite par les proches de l’intéressé. Si celle-ci est acceptée, la visite se réalisera au parloir. Certains établissements pénitentiaires sont constitués d’une Unité de Vie familiale ou de salons-parloirs familiaux avec une durée plus longue et sans surveillance directe du personnel (Art R57-8-8 CPP).
DROIT À LA LIBERTÉ DE RELIGION
En cellule ou dans une salle « polyculturelle » le détenu a le droit de pratiquer librement sa religion (Art R57-9-3 et suivants CPP). Les prisons comportent des aumôniers, bénévoles ou indemnisés, de chaque confession.
En accord avec le chef d’établissement pénitentiaire, des offices sont prévus et le détenu doit être informé dès son arrivée en prison de son droit à rencontrer le représentant de son culte et de participer aux offices religieux.
La politique d’enseignement au sein des établissements pénitentiaires est définie par la Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) et la Direction de l’administration pénitentiaire (DAP) (Circulaire N°2020-057 du 9-3-2020).
Au niveau national, régional ou local, un personnel de l’éducation national assure la cohérence des dispositifs entre l’éducation nationale et l’établissement pénitentiaire.
Des enseignements primaires sont dispensés aux détenus illettrés et aux détenus analphabètes, ou sur demande (Art D436 CPP).
DROIT DE SORTIE
Des permissions de sortie peuvent être attribuées au condamné et ce, notamment pour : maintenir les liens familiaux préparer sa réinsertion sociale et professionnelle, les événements familiaux exceptionnels, répondre à une obligation de présence… Elles ne peuvent s’effectuer que sur le territoire national (Art D142 CPP) . Elles sont soumises à des conditions de peine ou à des conditions financières lui permettant de subvenir à ses besoins lors de son séjour à l’extérieur (Art D 142-3 CPP).
Les condamnés soumis à une période de sureté (Art D142-1 CPP) et ceux condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité non commuée sont exclus.
DROIT À UNE CELLULE INDIVIDUELLE
Introduit par la loi du 5 juillet 1875, les détenus doivent en principe bénéficier d’une cellule individuelle (Art 717-2 ; Art 719 CPP). Cependant, réaffirmée par loi pénitentiaire de 2009, sa consécration ne cesse d’être reportée en raison de la surpopulation carcérale.
Par la loi n°2019-2222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-222 et de réforme pour la justice, un moratoire a été prorogé jusqu’au 31 décembre 2022.



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