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Interviews d'un détenu et d'un ex-détenu

  • privationlibertese
  • 17 mars 2021
  • 16 min de lecture

Par Fiona Borgalli, Nadia Bchir, Margot Laghi, Fiona Zanardo et Tiphaine Le Guyader


Vous trouverez ci-dessous deux interviews, la première d'un actuel détenu effectuée le 27 novembre 2020, et la seconde d'un ancien détenu effectuée en mars 2021. Merci à eux pour leur participation. Bonne lecture !


1 - Interview téléphonique avec un détenu actuellement incarcéré dans une prison de la région parisienne.


Interview téléphonique avec un détenu actuellement incarcéré dans une prison de la région parisienne.



Existe-t-il une hiérarchie entre les détenus, selon leur caractère ou selon le motif de leur incarcération ? Si oui, comment vivez-vous cette hiérarchie entre détenus ? Qu’est-ce que cela implique dans le quotidien ?

Oui, il peut y avoir une hiérarchie, selon pourquoi ils sont mis en cellule ou en fonction du profil des personnes, cela peut dépendre du motif de condamnation. Ça ne crée pas de problème parce qu’ils sont tous ensemble mais il peut y avoir des guerres de territoire en fonction de l’ancienneté des détenus.


Observez-vous des actes de solidarité entre détenus ou entre détenus et gardiens ?

Oui bien sûr, il y a un parcours arrivant (kit d’hygiène, habits,) il y a une entraide qui se fait au niveau de la nourriture. L’entraide se fait au cas par cas selon la générosité de chacun.

Avec les gardiens c’est au cas par cas aussi et en fonction de l’ancienneté, les gardiens vont agir différemment selon le profil du détenu.

Il y a un certain respect entre les gardiens et détenus. Même si parfois les gardiens vont tester un peu les détenus, pour mon cas au début ils étaient méfiants, ils voyaient que je souriais que j’étais poli etc. ils ne comprenaient pas ils se sont dit il cache un truc mais maintenant cela se passe bien on se respecte mutuellement.


Les gardiens peuvent-ils aider en cas de problème ?

En cas de galère oui mais ça dépend de la galère. Par exemple, si je sors avec ma casquette, qu’un surveillant me dit c’est interdit je te la prends je la donne au chef, il y en a un autre qui va le voir et lui dire ça va il est tranquille mets le dans sa cellule et laisse le tranquille. (Ici expliqué par le bon comportement du détenu).


En cas d’incident, l’administration pénitentiaire intervient elle ? Semble-t-elle équitable entre les détenus ? Et entre les détenus et les gardiens ?

En cours de promenade, ils ne rentrent pas. Ils ont pour ordre de ne pas rentrer à l’intérieur de la promenade. On est 80 détenus pour une vingtaine de gardiens environ ce n’est pas possible.

En cas d’embrouille dans la cellule ou dans les coursives oui ils interviennent ils ont un monopole à l’intérieur de la prison pour qu’il y ait quand même de l’ordre. Ce n’est pas équitable car encore une fois ça dépend des gardiens et des « affinités » cela dépend aussi des relations, si le détenu fout le bordel ou pas.


Avez-vous accès à la culture, au sport ou à tout autre divertissement ? Si oui, depuis votre arrivée dans l’établissement ou est-ce un privilège à acquérir à long terme ?

Il y a une bibliothèque, le sport, télé, tu peux regarder quand tu veux. Les médias pas plus que cela on peut regarder avec notre télé. Il y a des cours dispensés mais c’est compliqué d’y avoir accès.


- Avez-vous accès à l’information (journaux ou médias par exemple) ? Si oui, est ce régulier ? Est-ce le média de votre choix ?

On peut avoir le journal de notre choix. Même pendant les parloirs les visiteurs peuvent nous apporter des journaux. C’est assez libre là-dessus


Avez-vous un accès facile à la santé ? Pouvez-vous consulter un médecin ? Tous type de médecin (dentiste, ophtalmologue, ostéopathe etc.). Si oui y a-t-il des conditions d’accès ? –

C’est un peu compliqué, ça dépend des structures. Je suis dans une structure faite pour 600 personnes, on est 1100 (le double). L’accès au médecin est beaucoup plus long, on va attendre 1 semaine voire 10 jours. On peut avoir accès à chaque spécialiste. Là où je suis, il y a un dentiste, le docteur, diététicienne, psychologue etc. La maison d’arrêt de la santé de Paris, il y a vraiment tout car elle est récente et il y a possibilité de beaucoup plus de médecin (ophtalmo, ostéo, kiné, etc…)


Pouvez-vous nous raconter vos premiers jours et vos premières nuits en prison ?

Bah écoute c’est propre à chaque personne, tu vois ta vie défiler c’est compliqué. J’étais en mandat de dépôt, dans ce cas-là tu peux sortir demain comme dans 3 ans. Tu arrives, ils font en sorte que tu aies un choc carcéral. LE choc carcéral commence en fin de garde à vue, on ne sait même pas vraiment dans quelle maison d’arrêt on va on le sait à la fin. On est mis dans un camion cellulaire comme des animaux, il n’y a pas de lumière pas de place. On arrive le soir, on ne sait même pas dans quelle maison d’arrêt on est, on prend les empreintes, des photos, on se douche et on nous met direct dans une cellule, on va nous observer.

Maintenant on ne met pas en fonction des faits, on mélange tous les détenus même s’il y en a qui sont un peu « protégés » par rapport aux motifs de leur incarcération. Si ce sont des pédophiles par exemple vaut mieux pas qu’ils soient avec nous


Est-ce que pendant la Garde à vue les droits ont été respectés ?

Quand j’étais en garde à vue, j’avais usé de mon droit au silence, ils n’avaient pas apprécié ça. Quand tu es en procédure criminelle, tu es filmé, quand ils t’interpellent ils te disent les faits reprochés et te demandent si tu veux un avocat ou un médecin puis tu vas au commissariat. Pendant le trajet, ils commencent le travail psychologique. C’était fort. Si tu sais ce que t’as fait, tu sais ce qu’ils ont contre toi. Donc tu sais à l’avance ce que tu dois dire ou non. Quand tu ne sais pas ce que t’as fait tu vas toi-même commencer à te poser des questions.

Ils te mettent dans les jaunes des cellules d’attente. Ils peuvent t’interpeller à 6h du matin, tu es là-bas à 8h, tu peux attendre jusqu’à midi pour la première audition.

Par exemple moi à midi, j’ai dit que je voulais user de mon droit au silence, il m’a ressorti à 17h pareil.

C’est en fonction de l’affinité. Quand ils voient que t’es borné, ils vont utiliser la manière forte. Ils te mettent des claques, ils te tapent, ils s’en foutent parce que tu n’es pas filmé. Tu es face à 6/7 policiers. Moi, ils haussaient un peu le ton, ils ont crié un peu, rien d’impressionnant. Je savais mes droits donc je n’ai pas parlé.

C’est comme la série engrenage ; Ils te parlent, passent un appel et en fonction de si on a donné des infos, notre sort est différent. Si tu ne parles pas ils vont t’envoyer dans la pire maison d’arrêt il n’y aura aucune pitié.


Qu’est-ce qui vous a marqué ?

Beaucoup de violence, des gens déprimés ou des tentatives de suicide. C’est suivi par des psychologues mais c’est suivi sans être suivi. Moi ça va faire plus de 3 ans et demi que je suis là, j’ai connu des gens très sportifs là je les ai croisés récemment ce sont des personnes complètements différentes. Ils achètent la tranquillité comme ça. C’est plus avantageux pour eux. J’ai vu tout type de profils, des multi récidivistes qui disent qu’ils sont rentrés dans un engrenage parce qu’on ne leur a pas donné les solutions pour s’améliorer. C’est difficile mais ce ne sera pas mon cas.



Comment se passent les parloirs : En mandat de dépôt c’est 3x 45 minutes et en condamné c’est 2 x 45 minutes par semaine.


Vous est-il déjà arrivé d’être en surnombre dans votre cellule.

En fait, si tu as de la chance tu es tout seul. Sinon on est 2. Il y avait une période où il y avait beaucoup de monde on était 3 dans une cellule de 2, le 3ème avait un matelas par terre, 5 dans une cellule de 4 avec un matelas par terre.

Avec le covid, ils essayent d’aménager mais c’est encore le cas. 9m2 pour 2 c’est difficile.

Si tu as un avocat, tu es différencié des autres, tu connais plus tes droits donc on va les respecter, ça joue beaucoup sur les placements en cellules et le nombre de personnes.

Il y a également la barrière de la langue, les asiatiques étaient à 5 dans une cellule de 4. Ça ne les dérangeait pas mais ce n’était pas trop ça mais comme ils ne parlaient pas français ils ne disaient rien. Nous on peut se plaindre.

La cohabitation en cellule est-elle bonne ? C’est au cas par cas. Dans mon cas, j’ai eu de la chance. J’en n’ai pas eu beaucoup, je suis resté 1 mois avec un, 18 mois avec un, puis j’ai été seul pendant un moment.

Etant de nature solitaire je préfère être seul, et c’est plus avantageux. Mais y a le pour et le contre ne faut pas se mentir.

Votre cellule était dans quel état, sale ou plutôt propre ?

Ma cellule est propre. Quand je suis arrivé elle était insalubre. Tu peux refaire la peinture, blanc ou gris et après tout ce qui est produit ménager, c’est toi et tes petites mains. J’ai tout nettoyé, j’ai acheté les produits pour faire le ménage aujourd’hui c’est niquel.


Pouvez-vous changer de codétenu en cas de mésentente ? Comment cela se passe-t-il ?

C’est au cas par cas. Cela m’est arrivé une fois, je n’ai pas eu le feeling, je ne le sentais pas. J’avais directement dit « ne t’embêtes pas ça ne sert à rien tu ne vas pas rester longtemps ». Le capitaine est venu et m’a dit « écoute on est jeudi il est 16h30 je n’ai pas de place disponible, dès demain matin je le récupère » j’ai dit non hors de question. J’ai dit écoutez je connais mes droits, je refuse si vous ne voulez pas, à vos risques et périls. Il savait que ça allait mal se passer pour le détenu même si en vrai il n’avait rien fait pour le moment. Tu as le droit de demander à changer de cellule. Il y a des critères à respecter quand ils ramènent quelqu’un. Par exemple je suis non-fumeur, j’ai 32 ans, je travaille lui il était fumeur, ça ne me convenait pas. Ils peuvent sur ce critère-là changer de cellule. Il y a aussi l’affinité ou quand il y a un ami à toi ou la famille ou quoi cela peut passer. C’est du cas par cas, si tu les fais chier ou non. Parfois ils peuvent te ramener des phénomènes.

Comment cela se passe en ce moment avec la covid ?

Avec le covid, ils nous ont donné de la lessive, du savon pour les mains, des masques tous les jours. Il n’y a pas d’activités, plus de cours ou de bibliothèque. Au parloir, désinfection des mains avant et après. Mais en même temps en promenade on est sans masques et tous sur la barre de tractions ça n’a pas de sens en vrai mais bon ils s’en fichent et nous on est content de sortir, ils ne peuvent pas interdire la promenade non plus.

En revanche on a plus d’accès à tout ce qui est socio culturel.

Je travaille encore, je suis à l’atelier. C’est de la production, les préparations de magazines, tout ce qui est carrefour Auchan Lidl, De l’assemblage pour des marques comme décathlon.


Est-ce qu’il y a beaucoup de cas ?

Ouais il y en a beaucoup. Ici ils ont fait une aile spécifique pour les cas. (Pas de nombre exact) mais en tout cas y’en a beaucoup, plus que ce qu’ils disent



Pour la nourriture comment faites-vous ?

On a la gamelle, le repas de midi et 17h30 un autre repas, c’est entrée, plat, dessert et sinon on a des feuilles de cantine une fois par semaine. Tu fais des courses et tu deviens cuistot. J’ai une plaque à induction.

Quand tu es dans une cellule, tu as un lavabo, des WC, une table 2 chaises, la télé. Le reste c’est toi qui l’achètes comme la plaque de cuisson.

Quand tu arrives : pack arrivant serviette couette, cuillère, couteau, fourchette, shampooing, savon, verre…. Minimum syndical

Les courses sont plus chères. Une bouteille d’eau coûte 19 centimes. Un pack d’œuf les 6 1.40euros. Une bouteille d’huile d’olive 6 euros.

On peut faire une commande de courses 1 fois par semaine. Je vais remplir les documents, mettre à la boite aux lettres lundi et recevoir vendredi, il faut bien anticiper.

Ils ne donnent pas des produits avec des longues dates de péremptions, ils vont faire en sorte que ça périme pour qu’on recommande.


Selon vous qu’est-ce qu’il y a changer qui n’est pas pris en compte par l’Etat :

Y a pas mal de choses. Déjà pour moi, ils devraient commencer au niveau du Tribunal, mettre des peines adéquates en fonction des faits chacun. Il ne faut pas être dans des trucs préconstruits. J’ai été aux assises, ce qui a fait ma peine, c’est mon allocution personnellement parce que je sais m’exprimer j’ai pris 10 ans, la procureure on avait demandé 15. Ceux qui ne savent pas s’exprimer ont eu 15ans. Ce n’est pas normal ça ne devrait pas jouer sur les décisions.

Les assises c’est du théâtre. Ils ramènent tout le monde pour t’enfoncer, jurés parties civiles et c’est à toi de te défendre pour tout ce que tu as contre toi. Mais c’est un film c’est surjoué par toutes les parties.

J’avais un avocat à moi. Le fait d’avoir un avocat à soi et pas un avocat commis d’office joue, les commis d’office ne cherchent pas vraiment à aider, ils vont dans le sens de la justice. C’est limite mieux de se défendre soi-même. En général ils sont là pour une comparution immédiate. Sinon ils n’ont pas le temps de lire le dossier ils les voient 10min avant le jugement et voilà.


Combien de temps s’est écoulé entre la GAV et le jugement ?

Je me suis fait juger en décembre et j’ai été arrêté en 2017. Les assises ça a duré 3 semaines, du lundi au vendredi de 9h à 21h/22h. Même ça ce n’est pas normal, ils savent que physiquement c’est difficile. Lorsque tu n’as pas toutes tes compétences, ton sommeil et qu’on t’envoie 40 questions, tu n’as plus ton cerveau, ils en profitent ils posent des questions plus vicieuses pour faire craquer. Il devrait y avoir des horaires à respecter, comme partout en fait, même pour les juges à 21h ils écoutent plus vraiment.



Envisages-tu ta réinsertion : C’est ma première incarcération, il y a un suivi pour la réinsertion, il y a le SPIP (service pénitentiaire d'insertion et de probation) qui va faire un rapport au juge. Les spip qui connaissent bien leur métier et qui se battent, elles (souvent des femmes) sont bien je les respecte. Les autres qui font des leçons de vie, je ne les écoute même pas.

Je la vois 1 à 2 fois par mois. Je pense à écrire un livre sur la prison, j’ai été contacter pour parler de la détention des jeunes dans les lycées à ma sortie, ce sont des trucs en plus pas le projet initial qui est difficile à préparer à cause du covid. Mais pour le moment je l’envisage comme cela.


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2 - Interview d’un ancien détenu


La période d’emprisonnement

Bonjour,


En quelques mots, pouvez-vous nous expliquer votre parcours ?

J’ai fait une carrière de militaire pendant 21 ans, mais en 2011 j’ai pris ma retraite militaire pour aller travailler dans le civil, dans le bâtiment.


Combien de temps avez-vous passé en prison ?

- 4 mois mis à isolement total


Pouvez-vous nous raconter vos premiers jours et premières nuits en prison ?

Mes premiers moments ont été des moments de colère contre l’institution judiciaire. Mes proches ont été prévenus de ma détention seulement 48 heures plus tard puisque je n'avais pu prévenir seulement mon employeur. J’ai connu des choses plus compliquées avec l’armée donc je n’avais pas peur. Le plus dur pour moi a été l’éloignement avec ma fille.


Lors de votre garde à vue, vos droits ont-ils été respectés ? Qu’est-ce qui vous a choqué ?

Mes droits ont été respectés, on m’a demandé si je voulais un avocat (j’ai refusé), j’ai fait plusieurs gardes à vue avec les policiers qui m’ont posé beaucoup de questions. J’ai vu un psychologue, et ma maison a été perquisitionnée.


Entre la garde à vue et le jugement, combien de temps avez-vous dû attendre ?

Je suis passée en comparution immédiate après mes GAV puis j’ai été emmené directement après en maison d’arrêt.


Avez-vous déjà constaté une violation de l’un de vos droits lorsque vous étiez détenu ? Si oui le(s)quel(s) ? Aviez-vous effectué des démarches en vue d'obtenir le constat de ces violations ?

J’ai été mis à l’isolement total pendant mes 4 mois d’emprisonnement. Toutes les visites demandées autre que par mes parents ont été interdites. J’ai demandé dans mon courrier un code et cela m’a été refusé par l’administration pénitentiaire. J’ai été oublié de nombreuses fois pendant la promenade ce qui fait que je suis resté plus de 3-4h dehors seul puisque j’étais dans le quartier d’isolement. J’ai demandé à contacter des témoins pour mon affaire mais cela m’a été refusé également. J’ai établi des démarches pour faire remonter ces informations mais rien n’a été signalé.


Durant votre incarcération, quelle était une journée-type au sein de l’établissement pénitentiaire ?

Je prenais mon petit-déjeuner, j’allais à la douche, je regardais la télé, je faisais beaucoup de lecture, j’écrivais beaucoup de courrier à ma fille, et j’allais dehors durant la promenade.

Observiez-vous de la solidarité entre codétenus ?

J’ai été placé en isolement donc je ne voyais pas d’autres détenus car j’étais seul dans ma cellule. Le seul moment où j’ai eu un codétenu c’est durant les deux premiers jours de mon arrivée. Il y avait une bonne entente.


Existait-t-il une hiérarchie entre les détenus, selon leur caractère ou selon le motif de l’incarcération ? Si oui, comment viviez-vous cette hiérarchie entre détenus ? Qu’est-ce que cela implique dans le quotidien ?

Vu que je n’ai pas été en contact avec les détenus, je n’ai pas vécu de hiérarchie.


Entreteniez-vous une bonne relation avec les gardiens ? Et en cas de problème, étaient-ils présents pour vous ?

Avec les gardiens je n’ai jamais eu de problème. C’était une très bonne entente, on discutait ensemble régulièrement. Dès que j’avais besoin de quelque chose les gardiens m’ont aidé. Par exemple, à mon arrivée je ne connaissais pas bien le fonctionnement, je n’avais pas encore d’argent et j’avais besoin de papier et d’un timbre pour écrire à ma fille. Le gardien pour me dépasser est allé demander à un autre détenu s’il pouvait me prêter une lettre et un timbre. Pour le remercier, quand j’ai pu acheter des choses, je lui ai pris un paquet de cigarettes. J’ai vraiment une solidarité avec le gardien et avec le détenu.


En cas d’incident, l’administration pénitentiaire intervenait-elle ? Selon vous, traite-t-elle de manière équitable les codétenus ? Et entre détenus et gardiens ?

Je n’ai pas eu de problème durant ma détention


Aviez-vous accès à la culture, au sport ou à tout autre divertissement ? Si oui, dès votre arrivée dans l’établissement ? Ou est-ce un privilège à acquérir à long terme ?

J’ai eu accès à la culture, j’avais une télévision dans ma chambre. J’ai pu également emprunter des livres en libre service venant de la bibliothèque de l’établissement comme je le souhaitais.


Aviez-vous accès à l’information (journaux ou médias par exemple) ? Si oui, était-ce régulier ? Était-ce le média de votre choix ?

Pour écouter les informations, j’avais la télé, et il fallait acheter des journaux par le carnet de commande si on voulait en avoir.


Aviez-vous un accès facile à la santé ? Pouvez-vous consulter un médecin ? Tout type de médecin (dentiste, ophtalmologue, ostéopathe etc.). Si oui, existe-t-il des conditions d’accès ?

Pour consulter un médecin on était convoqué ou on le demandait en remplissant une demande qui était très vite prise en compte.


Bénéficiez-vous d’une cellule individuelle ?

Oui j’étais tout seul


Si tel n'était pas le cas, comment se passait la cohabitation avec votre codétenu ? Pouvez-vous changer de codétenu en cas de mésentente ? Aviez-vous déjà été en surnombre dans votre cellule ?

Durant mes deux premiers jours d’incarcération, j’ai eu un codétenu et l’entente s’est bien passée


Concernant l’hygiène, dans quel état était votre cellule ?

Il y avait beaucoup de dégradations, l’hygiène n’était pas très bonne mais je nettoyais beaucoup et je prenais soin au maximum de mon espace de vie.


Durant votre incarcération, qu’est-ce qui vous a le plus marqué ?

La relation avec les agents pénitentiaires qui s’est vraiment très bien déroulée


Aujourd’hui, quel regard portez-vous sur votre séjour en prison ?

Mon séjour en prison n’est pas bénéfique, et n’a fait qu’accentuer ma colère contre l’institution, contre ceux qui ont acté la décision car j’ai été traité comme un criminel alors que ce n’est pas le cas, j’ai servi la France pendant 21 ans en tant que militaire et je pense mériter autre chose que ça.


Que pensez-vous des conditions de détention en France ? Selon vous, quel est le domaine dans lequel l’Etat est défaillant et que vous voudriez améliorer ? Que changeriez-vous ?

La comparution immédiate est toute sauf inhumaine, elle est trop rapide, on n’analyse pas le cas, et j’ai le sentiment qu’on arrive déjà coupable avant même d’être jugé. Mon avocat a étudié mon dossier 15 minutes avant que je passe devant les juges, donc ma défense ne pouvait pas être bonne puisque mon dossier très peu étudié. Je ne me suis pas senti soutenu, et pour moi l’enquête a été bâclée.


La vie après la prison


Depuis combien de temps êtes-vous sorti de prison ?

Depuis 4 ans


Comment se sont déroulés vos premiers jours de libération ?

Je suis parti voir des amis et boire un café. Ma priorité était de m’occuper pour savoir comment je pouvais voir convenablement ma fille puisque le JAF m’avait autorisé à la voir seulement 3h dans la semaine 1 fois tous les 15 jours.


Avez-vous été accompagné ? Si oui, pouvez-vous nous expliquer comment ?

J’ai eu l’obligation tous les mois de venir à ma convocation pour parler de mon activité professionnelle. Je devais aller voir un psychologue et un addictologue pendant un an. Mais je n’ai pas été accompagné dans la recherche de travail quand je suis sorti. J’ai pu avoir un soutien de la part du psychologue concernant mes droits avec ma fille qui m’a donné les coordonnées d’une association qui pouvait m'aider. Cela m’a permis d’être en contact avec une assistante sociale qui m’a aidé dans mes démarches et m’a aidé à avoir ma fille au téléphone 2 fois par semaine.


Comment s’est passé ce processus de réinsertion ? Quels ont été les moyens et les services mis à votre disposition ?

Je me sentais seul, je n’ai pas eu d’aide et seulement une convocation tous les mois pour dire où j’en étais dans mes démarches. Pôle emploi n’a pas servi non plus.


La prison vous a-t-elle aidé dans cette réinsertion ?

La prison ne m’a pas aidé dans la réinsertion puisqu’elle ne m’a donné aucun moyen pour trouver un emploi.


Que faites-vous aujourd'hui, quel métier exercez-vous ?

Aujourd’hui je suis en intérim dans une menuiserie car j’ai des frais à rembourser à la justice suite à mon emprisonnement. J’ai un projet qui est d’être auto-entrepreneur. Pour cela, j’ai déjà effectué une formation de ma propre démarche en tant que menuisier, poseur, installateur. J’ai fait des stages également pour me familiariser avec ce métier.


Aujourd’hui, vous sentez-vous intégré dans la société ?

Oui aujourd’hui je suis complètement réinséré, je profite du temps avec ma fille, je travaille, j’ai des amis, ma famille. Une vie normale (si je n’en parle pas on ne lit pas sur ma tête que j’ai fait de la prison).


Quelles ont été les difficultés rencontrées ?

J’ai tout entrepris seul car aucune aide ne m’a été donnée (à la suite de mon emprisonnement, j’ai perdu mon travail) : formation à ma charge, recherche d’emploi effectuée de mon plein gré mais ce n’était pas évident car j’ai le profil d’ancien détenu donc pour trouver un emploi cela n’a pas été facile. Aujourd’hui les gendarmes que je croise dans la rue, les voisins sont au courant que j’ai été emprisonné, donc le regard des gens n’est pas évident car ils me voient comme un ancien détenu avec des antécédents judiciaires.


Que conseillerez-vous à un détenu sur le point de sortir de prison ?

Il y aura toujours une justice dans la vie donc il ne faut pas qu’il perde espoir.


De quelle aide ou de quel soutien au sein de l’espace pénitentiaire auriez-vous aimé bénéficier durant votre réinsertion ?

Je ne voulais pas de soutien car j’ai un vécu qui m’a appris à me débrouiller seul, je compte que sur mes amis aujourd’hui.

En remerciant la personne interviewée d’avoir bien voulu répondre à nos questions et en lui souhaitant bonne continuation pour la suite.



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