La violation des droits des détenus, quelles garanties ?
- privationlibertese
- 14 mars 2021
- 4 min de lecture


LA VIOLATION DES DROITS DES DÉTENUS, QUELLES GARANTIES ?
BORGALLI Fiona,
Master 2 Justice, Procès et Procédures – Parcours pratique des droits fondamentaux
« La privation de liberté ne peut pas être une privation de dignité ».
Eric Dupond-Moretti, Garde des Sceaux,
Sénat, Lundi 8 mars 2021.
Entre respect des droits et réalité du milieu pénitentiaire, les problématiques carcérales posent la question de l’effectivité de l’exercice des droits des détenus et leurs garanties au sein des prisons françaises. Outre les problématiques d’insalubrité, de surpopulation et de traitements inhumains et dégradants dont la France a souvent été reconnue coupable, l’Etat français n’est pas non plus bon élève lorsqu’il s’agit du respect des autres droits et libertés.
L’Observatoire international des prisons, dans sa section française, fait souvent mention des questions d’hygiène au sein des établissements pénitentiaires, du respect de confidentialité des échanges, des permanences des Unités de Santé ou encore de la rémunération des détenus et leur droit au travail.

Mais quelles sont les garanties accordées aux détenus en cas de litige avec l’administration pénitentiaire ? Afin d’assurer le respect de leurs droits, les détenus ont la faculté de contester les violations et les mesures prises par l’administration pénitentiaire par l’intermédiaire de différentes saisines.
A cet égard, ce lundi 8 mars 2021 marque l’adoption par le Sénat français de la proposition de loi du 11 février 2021 tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention. Transmise à l’Assemblée nationale ce même jour, ce texte prévoit une nouvelle voie de recours pour les détenus souhaitant contester le caractère indigne de leurs conditions de détention.
Il s’agit ici de faire suite aux arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l’Homme le 30 janvier 2020, la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 8 juillet 2020 et le Conseil constitutionnel le 2 octobre 2020.En ce sens, ce dernier avait exigé du législateur qu’il fasse une proposition de loi pour faire respecter la dignité humaine en prison.
Le Sénat français a acquiescé cette demande.
Quelles sont les dispositions ?
1 – Toute personne s’estimant lésée dans sa dignité humaine au cours de sa détention pourra, s’agissant d’un prévenu, saisir le Juge des libertés et de la détention, s’agissant d’un condamné, saisir le Juge de l’application des peines.
2 – La recevabilité de la requête est subordonnée à des allégations factuelles, circonstanciées et personnelles. En cas de recevabilité, l’administration pénitentiaire disposera d’un délai de 10 jours à 1 mois pour prendre des mesures.
3 – Le prisonnier disposera du droit de faire appel. Pour un appel formé dans les 24H, l’affaire devra être examiné au plus tard dans les 15 jours.

En cas d’absence de mesures prises pour remédier à sa situation, le condamné pourra être transféré dans un autre établissement pénitentiaire ou bénéficier d’un aménagement de peine. Le prévenu, lui, pourra faire l’objet d’une libération immédiate.
Dans l’attente de son examen en première lecture, programmé le 19 mars à l’Assemblée nationale, la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, Madame Dominique Simonnot, a salué cet événement comme « une avancée majeure pour l’amélioration des conditions de détention ». Cependant, celle-ci a ajouté que cette loi « ne peut être considérée comme suffisante pour préserver les droits des personnes détenues ».
En effet, la problématique de la violation des droits des prisonniers et leurs mauvaises conditions de détention n’est pas nouvelle. Outre la question des recours possibles pour les prisonniers en cas de violations de leurs droits, la première question qu’il serait légitime de se poser est : Pour quelles raisons les droits des prisonniers ne sont-ils pas respectés en France ?

Serait-il davantage question d’un désintérêt des pouvoirs publics et de la population française vis-à-vis de ces personnes isolées de la société ? Ou plutôt d’un manque financier, éducatif et communicationnel au sein du système pénitentiaire et de l’Etat français ?
En réalité, ces questions ne devraient pas être indistinctement traitées ; au contraire, elles sembleraient liées. Par exemple, dans une éventuelle augmentation des dépenses publiques pour ces établissements, il serait difficile d’imaginer l’enthousiasme de la population à contribuer davantage au financement des prisons françaises.
Pourtant, les établissements pénitentiaires ont également pour mission de préparer le détenu à sa réinsertion. Le respect de leurs droits, tel que le respect du droit au travail et le respect du droit à la formation sont également gages d’une meilleure réinsertion sociale. L’Etat français et sa population devraient ainsi montrer un plus grand intérêt vis-à-vis de ces personnes, notamment afin d’éviter tout risque de récidive.
Ainsi, peut-être serait-il plus judicieux de procéder à une meilleure information à l’égard des citoyens et une meilleure communication et formation des personnels des établissements pénitentiaires. La connaissance est primordiale pour le bon fonctionnement d’une société.
Pour plus d’informations :
- Observatoire international des prisons : https://oip.org
- Cour européenne des droits de l’Homme, 30 janvier 2020, J.M.B et autres c.France, n°9671/15 et 31 autres
- Cour de Cassation, Chambre criminelle, 8 juillet 2020, n°1400.
- Conseil Constitutionnel, M. Geoffrey F. et autre, du 2 octobre 2020, décision n° 2020-858/859 QPC
- Proposition de loi tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention, enregistrée à la présidence du Sénat le 11 février 2021 : https://www.senat.fr/leg/ppl20-362.html




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