Détenus étrangers, une protection limitée
- privationlibertese
- 13 mars 2021
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3 mars 2021
Le Guyader Tiphaine
Les prisons françaises comptaient au 1er Janvier 2021, 62 673 prisonniers pour 60 583 places, représentant une population carcérale de 103%. Actuellement environ 23% des personnes détenues sont de nationalités étrangères. Ce constat est connu, repris et alimenté par divers partis en quête d’attention au discours démagogique n’hésitant pas à augmenter les chiffres.

Pour autant cette réalité n’est pas factice, elle cache un problème bien plus profond, celui de personnes souvent discriminées, isolées et de classe moyenne. De cet emprisonnement, découle une accentuation des discriminations infligées aux personnes étrangères renforçant les inégalités même dans le milieu carcéral.
Difficultés au sein de la prison
L’une des difficultés majeures rencontrée par les personnes en détention, réside dans la barrière de la langue. Parmi ces personnes, nombreuses sont celles qui ne parlent pas et ne comprennent pas le Français, en plus de l’éloignement, des tensions entre les prisonniers et/ou de l’administration pénitentiaire, s’ajoute l’isolement de ces personnes. Lors de leur arrivée en prison les détenus doivent obligatoirement recevoir à l’écrit et à l’oral les informations relatives aux droits et devoirs au sein de leur lieu de détention dans une langue compréhensible. Pour autant la réalité est bien souvent différente, parmi les nombreux établissements pénitentiaires Français, peu sont ceux qui disposent de documents traduits en plusieurs langues, on retrouve des traductions Anglaises ou Espagnoles mais cela reste très limité au regard des nombreuses langues parlées au sein de la prison. Dans les cas où l’administration dispose de ces documents, c’est aux détenus eux-mêmes de faire les démarches nécessaires, situation insensée puisqu’ils ne parlent déjà pas français, comment les demander ? La situation est la même en ce qui concerne les affiches parsemées sur les murs qui pourtant contiennent souvent des informations importantes.
Les associations tels que le PAD (Point d’Accès au Droit) disposent de ces brochures d’informations traduites en plusieurs langues et pourront les transmettre lors de leurs interventions aux détenus.
Un lien social restreint

Statistiquement les personnes étrangères bénéficient de beaucoup moins de parloirs que les autres personnes en raison quasiment exclusivement de la distance entre eux et leur famille, selon Emmaüs France et le secours catholique 54% des détenus étrangers ne reçoivent pas de visite. Le fait de ne pas recevoir de visite au parloir accentue l’isolement et les prive d’aides matérielles que les visiteurs peuvent apporter lors des parloirs (vêtements, cd, livres etc.). Amine[1], un détenu étranger contacté en prison, me raconte que pour lui les choses ont notamment été compliqué au début car sans famille, il devait attendre la venue de la croix rouge pour avoir des habits, l’attente a duré plusieurs mois durant laquelle il ne s’est que très peu changé.
Le coût d’un appel vers l’étranger est relativement coûteux voire démesuré et le décalage horaire avec certains pays est incompatible avec les horaires d’ouvertures des cabines téléphoniques accessibles en prison.
Le contrôleur Général des lieux de privations des libertés plaide l’accès aux téléphones mobiles et messageries en ligne notamment pour les détenus étrangers ce qui permettrait, au moins, de les mettre sur le même pied d’égalité que les détenus français.
Des relations complexes avec les autres détenus
Cette difficulté accentue l’isolement de ces personnes mais aussi certaines fois, leur dépendance. En prison toutes les demandes se font par écrit, que ce soit pour les rendez-vous médicaux, les courses, les papiers administratifs etc.
Les détenus ont en théorie la possibilité de suivre des cours de Français dispensés par des professeurs, ce qui leur permettrait d’apprendre à remplir ces documents mais les places sont restreintes et avec les mesures sanitaires actuelles beaucoup d’activités dans le milieu carcéral ont été suspendues.
Alors il reste une solution, compter sur les autres, mais à quel prix ?
On peut parfois tomber sur des co-détenus qui parlent plusieurs langues, pouvant faire office de traducteur ou d’écrivain public au cours du séjour en prison, certains le feront de bon cœur, par solidarité mais cela peut poser un problème au niveau de la confidentialité de leur dossier tout le monde ne souhaite pas exposer sa vie à des inconnus, d’autres le feront en échange de quelque chose, argent, affaires, nourritures... Lorsque l’on n’a rien on se débrouille comme on peut.
Des finances inexistantes
Outre les obstacles sociaux engendrant des difficultés à créer un lien avec les autres détenus, cette barrière de la langue accroît considérablement les inégalités notamment quant à la jouissance des droits fondamentaux et sur le plan financier.
En prison les détenus ont la possibilité de travailler, pour cela ils doivent faire une demande écrite, première difficulté pour les personnes qui ne maîtrisent pas la langue, lorsque cette demande a été faite et approuvée par l’administration, le détenu doit comprendre ce qu’il doit faire, c’est souvent délicat car les maîtres d’ateliers ne sont pas forcément polyglottes et n’ont pas la patience et l’envie d’essayer de faire comprendre aux détenus étrangers quelles tâches ils doivent accomplir et comment la faire.
[1] Le prénom a été modifié



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