Droit des patients en psychiatrie : Quelle législation, quelle jurisprudence à prendre en référence?
- privationlibertese
- 14 mars 2021
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Par Nelly Le Berre et Fiona Zanardo, le 14 mars 2021
Tout patient admis dans un centre de soins psychiatriques n’est pas dépourvu de ces droits fondamentaux (droit à l’information, droit au respect de sa vie privée, droit au procès équitable, interdiction de subir des traitements inhumains ou dégradants etc.).
Vous trouverez ci-dessous la législation nationale pertinente en matière de soins psychiatriques en France (chronologie décroissante) :
- 06 mai 2019 : Décret n°2019-412 autorisant le croisement des données relatives aux personnes en soins psychiatriques sans consentement et celui des personnes fichées S (terrorisme) : permet de croiser les identités de patients en psychiatrie et des suspects de terrorisme. Ce décret modifie le décret Hopsywew du 23 mai 2018. https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000038442383/
- 23 mai 2018 : Décret n°2018-383 autorisant les traitements de données à caractère personnel relatifs au suivi des personnes en soins psychiatriques sans consentement « Hopsyweb ». Décret adopté dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000036936873/
- 29 mars 2017 : Instruction du ministère de la Santé relative aux pratiques d’isolement et de contention faisant suite à une recommandation de la Haute Autorité de Santé sur l’isolement et la contention en psychiatrie générale du 20 mars 2017. https://solidarites-sante.gouv.fr/fichiers/bo/2017/17-04/ste_20170004_0000_0050.pdf
- 15 août 2014 : Décret n° 2014-897 modifiant la procédure judiciaire de mainlevée et de contrôle des mesures de soins psychiatriques sans consentement. https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000029362944/
- 27 septembre 2013 : Loi n° 2013-869, modifiant la loi du 5 juillet 2011 sur les soins psychiatriques. https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000027996629/ Vous pouvez consulter à ce propos et plus généralement le fascicule de l’ENM du 30 septembre 2013 sur les soins psychiatriques sans consentement disponible sur le site psychiatrie.crpa.asso.fr : https://psychiatrie.crpa.asso.fr/IMG/pdf/enm-fascicule-sur-les-soins-sans-consentement-a-jour-loi-27-9-2013.pdf
- 5 juillet 2011 : Loi n° 2011-803 relative aux soins psychiatriques sans consentement, suivie de décrets d’applications et d’une modification en 2013 par la loi n°2013-869. https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000024312722/
- 27 juin 1990 : Loi n°90-527 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d’hospitalisation. https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000349384/
- 30 juin 1838 : Loi Esquinol sur les aliénés : socle de la législation actuelle. Voir sur le site : http://psychiatrie.crpa.asso.fr/7
Droit positif, pour l’essentiel :
- Code de la santé publique
à Troisième Partie : « Lutte contre les maladies et dépendances »
à Livre II : « Lutte contre les maladies mentales » (Articles L3211-1 à L3251-6)
- Code de la Sécurité Intérieure
- Code de procédure pénale
Jurisprudences pertinentes :
- Arrêt de la Cour Européenne des Droits de l’Homme du 23 février 2012 (arrêt n° 27244-09) rappelle le principe selon lequel chacun droit à une prise en charge satisfaisante en psychiatrie = en espèce, l’incarcération d’un individu en prison faisait manifestement obstacle à la stabilisation de l’état d’un patient souffrant de grave trouves psychiatriques
- Arrêt de la Cour de Cassation en date du 29 mai 2013 (n° 12-21194) indique qu’une personne en hospitalisation libre pour troubles mentaux en psychiatrie dispose des mêmes droits liés à l’exercice des libertés individuelles que ceux qui sont reconnus aux malades hospitalisés pour d’autres causes. Cet arrêt rappelle le principe selon lequel un patient en hospitalisation libre en service de psychiatrie peut aller et venir librement et n’est pas soumis à des règles de sortie d’un établissement hospitalier. (Il existe 3 hospitalisations possibles :
· Hospitalisation libre = l’individu accepte son hospitalisation : il bénéficie de la liberté d’aller et venir au sein de l’établissement
· Hospitalisation à la demande d’un tiers ou en cas de péril imminent (articles L 3212-1 à 12 du code de la santé publique) à décision hospitalisation est accompagnée de 2 certificats médicaux circonstanciés datant de moins de 15 jours.
· Hospitalisation d’office sur décision d’un représentant de l’État (article L 3213-1 à 11 du code de la santé publique) = une personne atteinte de troubles mentaux compromettant l’ordre public ou la sécurité des personnes peut être admise en soins psychiatriques sur décision d’un représentant de l’État (arrêté préfectoral, arrêté du maire de la commune).
- Décision n° 11BX01790 de la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux du 6 novembre 2012 précise que la direction d’un centre hospitalier psychiatrique public ne peut pas empêcher les patients d’avoir une vie sexuelle à l’intérieur d’une unité car la liberté sexuelle est une liberté fondamentale. Il a été reconnu que cette interdiction était considérée comme excessive au regard de l’article 8 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales, l’article 9 du code civil, et l’article L 3211-3 du code de la santé publique
- L’État Français a été condamné le 7 janvier 2013 pour avoir maintenu en détention un patient schizophrène dans la maison d’arrêt de Valenciennes plus d’un an et demi dans des conditions de détention indignes et une absence de prise en charge adaptée à son état de santé alors que l’article 22 de la loi 2009-1436 du 24 novembre 2009 indique que « l’administration pénitentiaire garantit à toute personne le respect de sa dignité et de ses droits ».
- La décision n° 10NT00271 de la Cour Administrative d’Appel de Nantes du 20 octobre 2011, a précisé qu’un établissement hospitalier, en refusant, sans raison juridique valable, les demandes de communication du dossier médical a porté atteinte au droit de disposer des informations du patient dans l’établissement hospitalier.
- La loi 2002-303 du 4 mars 2002 précise les droits des malades. L’article L 1111-7 du code de la santé publique précise le principe de l’accès du patient à son dossier médical. (accès aux résultats d’examen, comptes rendus de consultation, les protocoles, les hospitalisations, les prescriptions thérapeutiques au plus tard dans les huit jours suivants sa demande, mais ce délai est porté à deux mois lorsque les informations médicales datent de plus de cinq ans ou lorsque la commission départementale des soins psychiatriques est saisie).
- Décision n° 2020-844 QPC du 19 juin 2020 : le Conseil constitutionnel a jugé anticonstitutionnel le maintien des personnes hospitalisées sous contrainte, à l’isolement ou en contention au-delà d’une certaine durée et sur seule décision d’un psychiatre. Dès lors, le maintien à l’isolement et en contention sera contrôlé par le juge judiciaire. Le Conseil constitutionnel a rappelé que : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi. » (Article 66 de la Constitution) Le Conseil indique également que « (…) le placement à l'isolement ou sous contention d'une personne prise en charge en soins psychiatriques sans consentement ne peut être décidé que par un psychiatre pour une durée limitée lorsque de telles mesures constituent l'unique moyen de prévenir un dommage immédiat ou imminent pour elle-même ou autrui. (…) Or, si le législateur a prévu que le recours à l'isolement et à la contention ne peut être décidé par un psychiatre que pour une durée limitée, il n'a pas fixé cette limite ni prévu les conditions dans lesquelles, au-delà d'une certaine durée, le maintien de ces mesures est soumis au contrôle du juge judiciaire ».
- La CCDH (Commission des Citoyens pour les Droits de l’Homme) rappelle que depuis la loi du 26 janvier 2016, tous les établissements psychiatriques sont obligés de tenir un registre de contention et d'isolement et d'émettre un rapport annuel pour rendre compte de leurs pratiques aux autorités.
- Arrêt de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (requête n° 59152/08) du 28/11/2017 : l’arrêt reconnaît la violation du droit à la liberté et à la sûreté d’une personne internée pour des troubles psychiatriques sans fondement légal et sans justifications depuis 2007.



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